LES MAMELLES DE TIRESIAS



ACTE 1
La grande place de Zanzibar le matin. Le décor représente : côté cour, au premier plan, un «café » à la terrasse duquel il y a un guéridon et deux chaises. Au second plan, une échappée sur le port. Au fond : face au public, un immeuble de style méridional, avec, au premier étage, une fenêtre ouverte ; au rez-de-chaussée, un «bar-tabac ». Côté jardin : au premier plan, un bazar, au second : une échappée sur un jardin public avec un kiosque de journaux.


SCÈNE PREMIÈRE
Excentrique, jeune et jolie, Thérèse, dès que le rideau est levé, sort de l’immeuble, un balai à la main.

Non, Monsieur mon mari,
Non, Monsieur mon mari,
Vous ne me ferez pas faire ce que vous voulez
Je suis féministe, je suis féministe,
Et je ne connais pas l’autorité de l’homme.
Du reste je veux agir à ma guise,
Il y a assez longtemps que les hommes,
Il y a assez longtemps que les hommes font ce qui leur plaît.
Après tout, je veux aussi aller me battre contre les ennemis.
*Elle se sert de son balai comme d’un fusil, pour faire l’exercice.*
J’ai envie d’être soldat, une deux, une deux.
Je veux faire la guerre et non pas faire des enfants.
Non, Monsieur mon mari, vous ne me commanderez plus.
Ce n’est pas parce que vous m’avez fait la cour
Dans le Connecticut, dans le Connecticut,
Que je dois vous faire la cuisine à
Zanzibar.

*Voix du mari par la fenêtre*
Donnez-moi du lard,
Je te dis, donnez-moi du Lard.



*jetant son balai dans la coulisse. Franchement, au public*
Vous l’entendez, il ne
Pense qu’à l’amour.
Mais tu ne te doutes pas, imbécile,
Qu’après avoir été soldat,
Je veux être artiste,
Je veux aussi être député,
Avocat, sénateur, ministre, président de la chose publique
Et je veux, médecin physique ou bien psychique,
Diafoirer à mon gré l’Europe et l’Amérique.
Faire des enfants, faire la cuisine, non c’est trop.
Je veux être mathématicienne,
Groom dans les restaurants,
Petit télégraphiste,
Et je veux, s’il me plaît, entretenir à l’an
Cette vieille danseuse qui a tant de talent.
*Elle esquisse un pas de danse.*

Donnez-moi du lard, je te dis, donnez-moi du Lard.



Vous l’entendez, il ne pense qu’à l’amour.
Mais il me semble que la barbe me pousse.
Ma poitrine se détache.
Ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah.
*Elle entrouvre sa blouse dont il sort ses mamelles,
l’une rouge, l’autre bleue, et,
comme elle les lâche, elles s’envolent, ballons d’enfants,
mais restent retenues par les fils.*

Envolez-vous, oiseaux de ma faiblesse.
Comme c’est joli, les appas féminins.
C’est mignon tout plein,
On en mangerait.
Comme c’est joli, comme c’est joli.
*Elle éclate de rire.*
Ah ah ah ah ah ah ah ah ah !
Mais trêve de bêtises,
Ne nous livrons pas à l’aéronautique.
Il y a toujours quelque avantage à pratiquer la vertu.
Le vice est après tout une chose dangereuse.
C’est pourquoi il vaut mieux sacrifier une beauté
*Elle caresse les ballons.*
Qui peut être une occasion de péché.
Débarrassons-nous de nos mamelles.
*Elle allume un briquet et les fait exploser... puis elle court se regarder dans la glace qui fait partie du bar.
Elle tourne le dos au public...*

Mais qu’est-ce à dire, non seulement la barbe me pousse
*... et s’accroche une fausse barbe*
Mais ma moustache aussi ?
Eh diable, j’ai l’air d’un champ de blé
Qui attend la moissonneuse mécanique.
*Elle se retourne brusquement et danse un pas espagnol.*
Je me sens viril en diable,
Je suis étalon.

QUATRE TÉNORS & QUATRE BARYTONS
*dans la fosse d’orchestre*
Olé !



De la tête aux talons,
Me voilà taureau,
Me ferai-je torero ?
Mais n’étalons pas mon avenir au grand jour.
Héros, cache tes armes,
Et toi, mari moins viril que moi,
Fais tout le vacarme que tu voudras.
*Elle court se regarder dans la glace.*

SCÈNE II
Le mari sort de la maison avec un gros bouquet de fleurs, il cherche Thérèse. Celle-ci, toujours face à la glace, donne sa réplique de profil, côté jardin, puis se retourne dans le silence.

Donne-moi du lard, je te dis.



Mange tes pieds à la Sainte-Menehould.


*épouvanté, jette les fleurs dans la salle*
Ah mais ! ce n’est pas Thérèse, ma femme.
Quel malotru a mis ses vêtements ?
Aucun doute, c’est un assassin et il l’a tuée.
*Il se met à courir comme un fou, la cherchant au café,
au bar, au bazar. Thérèse se promène d’un air
parfaitement indifférent.*

Thérèse, Thérèse, Thérèse, ma p’tite Thérèse, où es-tu ?
Où es-tu ? Où es-tu ? Où es-tu ?
Thérèse, Thérèse, Thérèse, ma p’tite Thérèse,
Où es-tu ? Où es-tu ?
Mais toi, vil personnage
Qui t’es déguisé en Thérèse, je te tuerai.
*Il se précipite sur elle. D’un geste, elle l’arrête.*



*éclatant*
Tu as raison, je ne suis plus ta femme.

Par exemple !



Et cependant, c’est moi qui suis Thérèse.

Par exemple !



Mais Thérèse qui n’est plus femme
Mais Thérèse qui n’est plus femme.

C’est trop fort.



Et comme je suis devenu un beau gars...

Détail que j’ignorais.



... Je porterai désormais un nom d’homme : Tirésias.
*Elle rentre au pas militaire dans la maison où sa voix
se perd.*


Le Mari tombe à genoux au milieu de la scène, les mains jointes.



Adousias !



SCÈNE III
Un roulement de tambour suivra la réplique de Tirésias; il cessera exactement avec la chute du vase de nuit; après un court silence, même jeu pour l’urinal.

*Voix de Tirésias, à l’intérieur, parlé*
Je déménage.

Un pot de chambre tombe par la fenêtre, puis un urinal.




*parlé*
Le piano !...
Le violon !...
La situation devient grave.
*Il rentre chez lui, les épaules basses.*



SCÈNE IV
Juste au moment où le mari rentre chez lui, sortent du café,dansant ensemble une polka et visiblement ivres,un gros petit monsieur et un grand maigre, type classique du Français joueur de manille.

La danse cesse.



Avec vous, vieux Lacouf,
J’ai perdu au zanzi, j’ai perdu au zanzi
Tout ce que j’ai voulu.

Monsieur Presto, je n’ai rien gagné,
Rien gagné, rien gagné,
Et d’abord Zanzibar, Zanzibar n’est pas en question.
Vous êtes à Paris



À Zanzibar.

À Paris.



Presto prend Lacouf par le cou avec une tendresse d’ivrogne.



C’en est trop, après dix ans d’amitié,
Et tout le mal que je n’ai cessé de dire sur votre compte.

*se dégageant, mais très aimable*
Tant pis, vous ai-je demandé de la réclame ?
Vous êtes à Paris.



À Zanzibar, la preuve c’est que j’ai tout perdu.

*à peine convaincu*
Monsieur Presto, il faut nous battre.



*ferme*
Il le faut.

*ferme aussi*
Monsieur Presto
Il faut nous battre.



Certes
Il le faut.

Il le faut, il le faut.



Ils dansent en chantant, chacun de son côté.



Avec vous, vieux Lacouf,
J’ai perdu au zanzi
J’ai perdu au zanzi
Tout ce que j’ai voulu.

Monsieur Presto, je n’ai rien gagné,
Rien gagné, rien gagné,
Et d’abord Zanzibar,
Zanzibar n’est pas en question,
Vous êtes à Paris.



À Zanzibar.

À Paris.



Ils cessent de danser, et discutent courtoisement.



C’en est trop, après dix ans d’amitié
Et tout le mal que je n’ai cessé de dire sur votre compte...

Tant pis, vous ai-je demandé de la réclame ?
Vous êtes à Paris.



À Zanzibar. La preuve, c’est que j’ai tout perdu.

Monsieur Presto, il faut nous battre.



Il le faut.

Monsieur Presto
Il faut nous battre.



Certes.
Il le faut

Ils montent gravement au fond de la scène, sortent de leurs poches deux gros revolvers.



Il le faut. Il le faut.
À armes égales,



À volonté.

Tous les coups sont dans la nature.
*Ils se visent.*
Feu !
*Ils tirent et tombent morts.*




SCÈNE V
Très "fashionable" dans un élégant veston, Thérèse-Tirésias, imberbe et rasée de frais, sort de la maison en courant, suivie de son mari, habillé en femme et les mains ligotées. Thérèse gesticule tandis que le Mari s’affale sur une chaise du café.

Ah ! chère liberté, te voilà enfin conquise,
Mais d’abord achetons un journal,
Mais d’abord achetons un journal
Pour savoir, pour savoir, pour savoir,
Pour savoir ce qui vient de se passer.

Thérèse court acheter un journal (on ne voit pas la Marchande). Elle redescend lentement sur le devant de la scène en dépliant le "Petit Zanzibar".

*très poétique*
Comme il perdait au zanzibar,
Monsieur Presto a perdu son pari,
Puisque nous sommes à Paris
Puisque nous sommes à Paris...
*Elle tend le journal sous le nez de son mari qui lit la suite.*

Monsieur Lacouf n’a rien gagné,
Puisque la scène se passe à Zanzibar,
Autant que la Seine passe à Paris,
Autant que la Seine passe à Paris.



Huit messieurs sortent du café lisant leur journal, tandis que Thérèse sort de scène (du côté jardin) par le fond.

Comme il perdait au zanzibar,
Monsieur Presto a perdu son pari,
Puisque nous sommes à Paris,
Puisque nous sommes à Paris.
*Huit dames sortent du bazar, lisant leur journal,
tandis que les hommes mettent le leur dans leur poche.*

Monsieur Lacouf n’a rien gagné,
Puisque la scène se passe à Zanzibar.
Autant que la Seine passe à Paris.
*Elles remettent le journal dans leur panier à provisions.*
Autant que la Seine passe à Paris.
Comme il perdait au zanzibar,
Monsieur Presto a perdu son pari.
Puisque nous sommes à Paris,
Puisque nous sommes à Paris.



Thérèse rentre en scène (côté jardin) et longe la rampe, une cigarette à la main, tandis que le Peuple de Zanzibar, tournant brusquement le dos au public, remonte vers les cadavres de Presto et de Lacouf.

M. Lacouf n’a rien gagné,
Puisque la scène se passe à Zanzibar,
Autant que la Seine passe à Paris,
Autant que la Seine passe à Paris.

*bouche fermée*
Mm, mm, mm,
Mm, mm, mm
Mm, mm, mm
Mm, mm, mm.



Le Peuple de Zanzibar, avec les gestes les plus conventionnels du théâtre lyrique (bras levés au ciel, etc.) redescend à la rampe en gémissant, tandis que Thérèse s’assied sur le guéridon du café.

*lamentablement mais à cause de lui-même*
Comme il perdait au zanzibar,
Monsieur Presto a perdu son pari,
Puisque nous sommes à Paris.



Ah ah ah ah
Ah ah ah ah
Ah ah.




*distraite, se lève et se dirige vers le trou du souffleur*
Ah ah ah ah ah ah !
Ah ah ah ah ah ah !
*Au souffleur – comme pour faire peur aux enfants*
Ah ah ah ah ah ah
Ah ah ah ah ah ah
Ah !

*il pleure, dominant tout le monde*
Ah !
Ah ah
Ah ah !



Monsieur Lacouf.
N’a rien gagné
Puisque la scène se passe à Zanzibar
Autant que la Seine passe à Paris,
Autant que la Seine passe à Paris,
À Paris, à Paris...



À Paris...



À Paris.



Les ténors chargent Presto sur leurs épaules. Les barytons font de même pour Lacouf. En allant jeter un coup d’œil sur les cadavres, les femmes se divisent en deux groupes et suivent, les unes Presto qu’on emporte par la gauche, les autres Lacouf qu’on emporte par la droite, tandis que Thérèse redescend sur le devant de la scène et se promène très calmement.



Maintenant, à moi l’univers, à moi les femmes,
L’administration.
Je vais me faire conseiller municipal.
Mais j’entends du bruit,
*Le mari s’effondre sur un guéridon.*
Il vaudrait peut-être mieux s’en aller.
*Les mains aux entournures du gilet, Thérèse arpente
la scène rapidement et sort au fond à droite.*


SCÈNE VI
Précédé d’un court roulement de tambour, un gendarme du type le plus classique entre dans un cheval-jupon, il dépose sa monture contre la devanture du bar.

*parlé*
Ça sent le crime ici.

*pendant que le Gendarme inspecte l’intérieur
du café, du bar, du bazar*

Ah ! puisque enfin voici un agent de l’autorité zanzibarienne,
Je vais l’interpeller, je vais l’interpeller.
Eh monsieur, si c’est une affaire que vous me cherchez,
Ayez donc l’obligeance de prendre
Mon livret militaire dans ma poche gauche.



Le Gendarme aperçoit le Mari, habillé en femme.



*émerveillé*
La belle fille.
*La main sur le cœur*
Ah ! la belle fille
*Il s’approche du Mari et s’aperçoit qu’il a les mains liées.*
Dites ma belle enfant, qui donc vous a traitée
Qui donc vous a traitée, traitée si méchamment ?

*à part*
Il me prend pour une demoiselle.
*S’esclaffant*
Ah ah ah ah ah ah
Il me prend pour une demoiselle.
Ce gendarme est un vieux fou, coucou,
*Il lui tourne le dos.*



*ravi*
Coucou.

Coucou



Coucou.

Coucou, coucou, coucou.



Le Gendarme frise sa moustache.



Dites ma belle enfant, qui donc vous a traitée,
Qui donc vous a traitée, traitée si méchamment ?

Il me prend pour une demoiselle.
*Le Gendarme veut lui prendre la taille.*
Il me prend pour une demoiselle.
Si c’est un mariage que vous cherchez...



Ah quelle belle fille !

Commencez donc, commencez donc
Par me détacher.
Si c’est un mariage que vous cherchez...



*il met la main sur son cœur*
Ah quelle belle fille !

Commencez donc, commencez donc
Par me détacher.



Les duellistes du paysage
*Il délie le Mari*
Ne m’empêcheront pas de dire
Que je vous trouve agréable,
*Il chatouille le Mari*
Agréable au toucher comme une balle en caoutchouc.

*il éternue*
Atchou !



Un rhume, c’est exquis.

Atchi, atchi, atchi
*Il relève sa jupe qui le gêne.
Le Gendarme cligne de l’œil.*



Femme légère.
Ah ah ah ah ah ah
Ah ah

Ma foi, il a raison.
Ma foi, il a raison
Puisque ma femme est homme,
Il est juste que je sois femme.



Dites, ma belle enfant,
Qui donc vous a traitée
Traitée si méchamment ?

Le Gendarme veut embrasser le Mari. Le Mari se dérobe.




*au Gendarme, pudiquement*
Je suis une honnête femme, monsieur ;
Ma femme est un homme-madame.
Elle est soldat, télégraphiste, ministre, merdecin,
Mais, comme ils ont fait explosion, disons plutôt merdecine.



*stupéfait et légèrement comique*
Merdecine, elle est mère des cygnes.
Ah, combien chantent qui vont périr !
Écoutez.

*dans les coulisses*
Vive le général Tirésias !
Vive le député Tirésias !
Plus d’enfants, plus d’enfants, plus d’enfants.



*tirant une pipe de sa poche et l’offrant au Mari*
Et fumez la pipe, bergère, moi je vous jouerai du pipeau.

*accepte la pipe*
Et cependant la boulangère
Tous les sept ans change de peau.



Ils dansent chacun à un bout de la scène.



Tous les sept ans, elle exagère.

Tous les sept ans, elle exagère.
Eh ! Fumez la pipe bergère !



*crié*
Moi je vous jouerai du pipeau.

Et cependant la boulangère.



*se précipite sur le Mari*
Mademoiselle, je suis amoureux fou de vous.

Atchou, atchou !



Et je veux devenir votre époux.

Le Mari se fâche et d’un geste brusque se débarrasse de ses oripeaux féminins.



Mais ne voyez-vous pas que je suis un homme.
Vous feriez mieux de faire des enfants.



Ah ! Par exemple.

*dans les coulisses*
Vive le général Tirésias ! Vive le député Tirésias.
*Le Peuple de Zanzibar fait irruption par toutes les entrées.*
Plus d’enfants ! Plus d’enfants ! Plus d’enfants.



SCÈNE VII

*au gendarme*
Fameux représentant de toute autorité,
Vous l’entendez, c’est dit, je crois avec clarté.
La femme à Zanzibar veut des droits politiques
Et renonce soudain aux amours prolifiques.
Vous l’entendez crier : "Plus d’enfants, plus d’enfants."
Pour peupler Zanzibar, il suffit d’éléphants,
De singes, de serpents, de moustiques, d’autruches,
Et stérile comme est l’habitante des ruches,
Qui du moins fait la cire et butine le miel,
La femme n’est qu’un neutre à la face du ciel.
Et moi je vous le dis, cher monsieur le Gendarme...
*La Marchande de journaux apparaît à la fenêtre
du kiosque. Elle écoute passionnément.*

... Zanzibar a besoin d’enfants.
Donnez l’alarme, criez au carrefour et sur le boulevard
Qu’il faut refaire des enfants à Zanzibar.
La femme n’en fait plus, tant pis,
Que l’homme en fasse,
Mais oui, parfaitement.
Je vous regarde en face
Et j’en ferai
Moi !



Vous ?



SCÈNE VIII (Finale)
La Marchande de journaux sort du kiosque, un mégaphone à la main.

Elle sort un bobard
Elle sort un bobard...


Bien digne qu’on l’entende
Ailleurs qu’à Zanzibar,
Un bobard,
Un bobard,
Un bobard,
Un bobard.



Elle sort un bobard,
Elle sort un bobard,
Bien digne qu’on l’entende
Ailleurs qu’à Zanzibar.



La Marchande s’avance au trou du souffleur et embouche son mégaphone. Le Mari entre dans le bazar.



*au public*
Vous qui pleurez en voyant la pièce,
Souhaitez les enfants vainqueurs.
*Sans mégaphone*
Voyez l’impondérable ardeur
Naître du changement de sexe.

Voyez l’impondérable ardeur
Du changement de sexe.

Elle reporte son mégaphone au pied du kiosque.



Vous qui pleurez en voyant la pièce,
Souhaitez les enfants vainqueurs.
Voyez l’impondérable ardeur
Naître du changement de sexe.



Le Mari ressort du bazar chargé d’énormes paquets qu’il dépose sur la table du café.



Vous qui pleurez...




Vous qui pleurez...



Vous qui pleurez...




Vous qui pleurez, vous qui pleurez
*Le Mari retourne au bazar.*
Vous qui pleurez en voyant la pièce,
Souhaitez les enfants vainqueurs,
Voyez l’impondérable ardeur...




Le Mari ressort du bazar chargé de paquets qu’il dépose sur les chaises du café.



... Naître du changement de sexe.



Vous qui pleurez...



Vous qui pleurez...



Vous qui pleurez...



*au gendarme*
Revenez dès ce soir
Voir comment la nature
Me donnera sans femme
Une progéniture.



Je reviendrai ce soir
Voir comment la nature
Vous donnera sans femme
Une progéniture.

Ne faites pas qu’en vain
Il croque le marmot,
Il reviendra ce soir
Et vous prendra au mot.

Ne faites pas qu’en vain
Il croque le marmot
Il reviendra ce soir
Et vous prendra au mot.




Il reviendra ce soir
Et vous prendra au mot.



Le Gendarme entre dans le café.



Comme est ignare le gendarme
Qui gouverne le Zanzibar.
Le music-hall et le grand bar



Le music-hall et le grand bar.

Le music-hall et le grand bar.



N’ont ils pas pour lui plus de charmes.



N’ont ils pas pour lui plus de charmes.



Que repeupler le Zanzibar ?



Que repeupler le Zanzibar ?



Comme est ignare le gendarme
Qui gouverne le Zanzibar

Le music-hall et le grand bar...



N’ont-ils pas pour lui plus de charmes...



N’ont-ils pas pour lui plus de charmes...



Que repeupler le Zanzibar ?




Lacouf et Presto entrent en scène très rapidement, en roulant sur des patinettes, venant de gauche et de droite (premier plan.



Comment faut-il que tu les nommes.



Elles sont tout ce que nous sommes.

Lacouf et Presto chatouillent le Mari. Le Gendarme sort du café un verre à la main.


Et cependant ne sont pas hommes



Et cependant ne sont pas hommes.




Lacouf et Presto rangent leurs patinettes le long du bazar.



Je reviendrai ce soir
Voir comment la nature
Vous donnera sans femme
Une progéniture.

Revenez donc ce soir
Voir comment la nature
Me donnera sans femme
Une progéniture.



Comment faut-il que tu les nommes...



Ah ah ah...



Elles sont tout ce que nous sommes...



Ah ah ah...



Et cependant ne sont pas hommes...



Ah ah ah...




Et cependant ne sont pas hommes...



Revenez donc ce soir
Voir comment la nature
Me donnera sans femme
Une progéniture.



Revenez donc ce soir
Voir comment la nature
Vous donnera sans femme
Une progéniture.

Les huit hommes tendent des pipes aux femmes. Pendant ce temps, le Mari danse seul.



*tendant une pipe à la Marchande de journaux
Et fumez la pipe, bergère.

Moi je vous jouerai du pipeau.



Et cependant la boulangère
Et cependant la boulangère...



Les femmes fument la pipe.


Tous les sept ans changeait de peau
Tous les sept ans changeait de peau.




Le Mari cesse de danser.



Et fumez la pipe bergère...



Moi, je vous jouerai du pipeau.



Et cependant la boulangère
Tous les sept ans changeait de peau.



Tous les sept ans, elle exagère...



Le Peuple de Zanzibar se regroupe comme au début du final.



Tous les sept ans, elle exagère.



Vous qui pleurez, vous qui pleurez
Vous qui pleurez...



D’un geste brusque, des deux mains, le Mari les interrompt. Tous se groupent sur deux rangs. Au premier, la Marchande, Lacouf, Presto, le Gendarme, au second le Peuple. Dos au public, le Mari fait le chef d’orchestre.



Et cependant...



La boulangère...


Tous les sept ans...


Changeait de peau.


Tous les sept ans...

Elle exagère...



Tous les sept ans...

Elle exagère.

Et cependant...



La boulangère...

Tous les sept ans...



Changeait de peau.

Un rideau spécial descend et s’arrête brusquement à mi-corps des chanteurs dont on ne voit plus que les jambes.



Et cependant la boulangère
Et cependant la boulangère
Et cependant la boulangère...



Tous les sept ans changeait de peau.




Tous s’accroupissent pour donner la dernière réplique, à l’exception du Mari, dont on n’aperçoit toujours que les jambes.



Tous les sept ans elle exagère.